La Récréation de la Création

Un homme, début trentaine, se promène avec deux chiens sur les berges du St-Laurent. Ce qui est le plus étonnant est de le voir courbé, complètement siphonné par son téléphone portable. Les chiens le devancent toujours, et lui, connaît le chemin qu’il fait et défait sans cesse. Rarement, il relève la tête et ne fait qu’un avec son téléphone portable. Toute cette beauté qui passe sans la voir. Ces vagues qu’il n’entends pas de façon consciente, ces couchers de soleil qu’il pressent sans les admirer et les oiseaux dans le ciel qui font leurs magnifiques chorégraphies.

Saint Augustin écrit qu’il y a deux livres qui nous parlent de Dieu : la Bible et la Création.

Je ne sais si le jeune trentenaire lit la Bible sur son téléphone portable mais la Création lui échappe lors de ces promenades.

Peut-être pas tout à fait. Ce chemin qu’il emprunte, il le connaît par cœur, et cette nature aussi. Pourquoi délaisser ces paysages pour ce rectangle qui lui donne un texto, une info, ou une vidéo… je ne sais.

Jésus a de ces mots pour nous révéler à nous-même : « ils regardent mais ne voient pas; ils entendent mais n’écoutent pas! »

Comment apprendre à voir en regardant, sinon donner un sens à notre action. Tourner en rond n’offre pas de sens à mon action. Comment entendre et mettre sur écoute ce que j’entends sinon par une attention délibérée de comprendre ce que j’entends.

Si je vois ce que je regarde, il y aura une réaction. Elle peut être un recul ou une avancée ou demeurer sur place s’il y a danger. Il se passe quelque chose.

Si j’écoute ce que j’ai entendu, là aussi il peut y avoir une adhésion ou un refus qui indique une prudence, un discernement.

Nous entendons une expression à la mode : C’est n’importe quoi! Et lorsqu’elle est prononcée nous entendons la signification dans la tonalité qui nous permet de percevoir l’adhésion ou son contraire.

Non seulement la vue et l’écoute sont importantes mais également la voix, le son qui exprime une réalité.

La prière elle-même est confrontée à ce type de vision ou d’écoute. Dynamique ou profonde, elle touche le cœur. Sans âme et ennuyeuse, elle ennuie.

Le jeune trentenaire, dont je vous ai entretenu au tout début, est arrivé un jour avec une compagne sur la berge. À deux, il y avait 4 chiens sans laisse. Cette fois, le jeune homme n’avait pas en mains son téléphone portable mais causait avec sa compagne. Une autre personne se trouvait non loin. C’est alors que les chiens se mirent à gronder au point où ils foncèrent en direction de l’homme. Le jeune trentenaire, voyant cette fois-ci le réel, eut une parole et cria : ils ne sont pas dangereux! Et il eut la réaction de courir pour les empêcher d’atteindre l’homme qui ne bougeait pas, conforté par la parole entendue. Ce qu’il réussit non sans difficultés, tout en s’excusant mille fois.

Ici, la vue, le son de la voix, le discernement du danger, la rapidité à comprendre, indiquent que nous pouvons voir en regardant et écouter ce qu’on entend. Tout est là, remis en place pour avancer sur les berges de notre vie.

Une petite phrase pour conclure : « il n’est pas bon que l’homme soit seul. »

Denis Veilleux

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