Deux par deux

Début de soirée un vendredi. Ça cogne à ma porte.

Je viens ouvrir. C’est un jeune homme qui me propose un traitement contre les fourmis.

Je prends le temps d’écouter, de l’accueillir. Je vois qu’il est impressionné car je porte une croix. Tout à coup, une autre personne, prudente, s’interpose :

– Avez-vous un permis?

– Il répond : oui

Ça n’a pas l’air d’être suffisant!

C’est alors que je lui demande de montrer pattes blanches. Ce qu’il fait sans hésiter en interpellant son collègue aussi jeune que lui – ils n’ont pas 20 ans- et revient avec la preuve. Ils ont bien le droit d’être des vendeurs itinérants.

Son collègue vient le rejoindre pour comprendre ce qui se passe. J’explique que dans les temps qui courent, les arnaques sont multiples et la méfiance est normale. Ils écoutent.

Mon premier interlocuteur poursuit avec conviction sa démarche sur le traitement contre les fourmis.

Bien après lui avoir donner le temps d’expliquer son projet, je lui dis : « ce n’est pas pour moi un besoin, il y en a, mais je vis avec. »

Ces deux jeunes s’expriment dans un français impeccable. Ce que je leur dis et ils me remercient. Ils se présentent très bien. Ils ont les qualités pour faire cette présentation soignée. Cependant, ils comprennent que je ne serai pas leur client.

Avant de quitter, le second jeune qui est venu rejoindre son collègue me pose une question :

– Monsieur, qu’est-ce que vous avez été dans la vie?

Je comprends vite qu’ils pensent que je suis à la retraite.

Je réponds :

– Je suis prêtre…; tu as vu ma croix?

Immédiatement, il réplique :

– Non, j’en étais sûr; votre manière de parler; vous êtes calme, réfléchi; vous n’avez pas de grosse montre en or, vous êtes habillé simplement. C’est comme ça que je me représentais un prêtre!

J’ajoute que je suis directeur de radio; raison pour laquelle j’ai loué leur façon de bien parler le français.

À celui qui m’a interpellé je demande à mon tour :

– Et toi, tu fais quoi dans la vie; ce ne peut être quelque chose de définitif maintenant?

Il répond :

– Je ne vais pas à l’école.

– Donc, c’est un choix libre? lui dis-je

– Oui!

Et je demande à l’autre :

– Et toi?

Il répond :

– Je suis programmeur informatique…

C’est alors que je leur dis :

– Il est certain que vous irez vers autre chose un jour, et que pour le moment c’est un apprentissage. Vous avez ce qu’il faut pour établir un lien avec une clientèle. Votre façon de vous présenter, votre manière de parler. Le lien de confiance est là. Vous réussirez tous les deux.

Ils m’écoutent, le visage heureux.

Je leur dis en terminant :

– Je ne prends pas le traitement que vous m’avez proposé, mais nous nous sommes parlés d’autres choses et cela convient.

Ils quittèrent en me remerciant.

Le plus important pour moi c’est qu’ils m’ont révélé ce que je suis : un prêtre.

À Césarée de Philippe, Jésus demandera aux disciples : Les gens, que disent-ils de moi?

Et nous connaissons les réponses erronées.

– Et vous que dites-vous? demande Jésus.

Simon-Pierre prend la parole et dit :

– Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant, Celui qui vient dans le monde!

Et Jésus lui dit que « ce n’est pas la chair et le sang qui lui ont révélé cela mais son Père dans les Cieux. »

Je n’ai sans doute pas la prétention de ces formes de révélations mais ce que ce jeune a dit – qui visiblement se faisait une idée d’un prêtre – est une invitation à offrir une écoute, la paix dans le calme, de réfléchir, et de ne pas avoir une grosse montre en or. Et je n’étais pas dans une église…

Je n’oublierai pas ce qu’il m’a dit et j’espère qu’ils se souviendront qu’ils ont les qualités pour gagner leur vie en créant un lien de confiance avec quiconque.

La simplicité d’un dialogue même dans la présentation d’un traitement contre les fourmis peut être une véritable rencontre.

Denis Veilleux

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