Courriel à un scientifique

L’an dernier, en octobre, je lisais un article fort intéressant. Il s’agissait d’un scientifique de haut calibre, devenu âgé, et qui exprimait son impatience à se voir vieillir. Je me permis de lui écrire ce que vous entendrez. Je conserverai l’anonymat. Voici le courriel envoyé:

‘Cher Monsieur. 

J’ai lu vos propos avec intérêt. Votre savoir aiguisé à la fine pointe de la science est une force pour l’intelligence. La vieillesse ne semble pas vous convenir. Vous pestez devant la détérioration que nous subissons ou subirons, et vous vous rendez jusqu’à la colère envers une ‘intelligence supérieure’ fort bien structurée des 14 milliards d’années comptées. Certes, vous consentez à ce que notre vie humaine ne s’éternise pas sur la planète! Permettez que je vous présente un ami. Vous avez presqu’un petit millénaire de différence. Il serait, à mon avis fort heureux de vous rencontrer et vos propos pourraient l’intéresser. C’est un poète italien. Sa renommée ne s’est pas détériorée mais il a composé à près de 40 ans un poème alors qu’il était devenu aveugle des deux yeux. Il parle de la Création avec autant d’émerveillement que vous. J’ignore s’il décrit le processus auquel vous faites référence dans l’évolution des galaxies ou autres choses structurées mais il s’approche si bien de tous ces éléments qu’il voit, qu’il les appelle « sœurs et frères. » Les étoiles, l’eau, sont pour lui des sœurs, et la terre est mère tandis que le soleil est frère. Votre science deviendrait peut-être poétique puisque l’émerveillement vous sourit toujours et sans doute votre savoir ajouterait à la fraternité du poète italien qui comme vous n’en finirait pas de s’émerveiller jusqu’aux 14 milliards d’années. Il vous dirait qu’il a terminé ses jours à 42 ans, moins de la moitié de votre âge présent et qu’il a demandé qu’on le dépose nu sur la terre. Il priait son départ, la mort corporelle, sa soeur. Et si la prière soufflait comme le vent sur votre vieillesse? Adoucirait-elle votre inconfort de vous voir vous détériorer? Et si l’ultime détérioration n’était que le début d’une autre structure qui amène à un autre émerveillement? Dites-moi si vous seriez intéressé à ce « rendez-vous » entre le poète et l’émerveillé que vous êtes? Avec mes salutations distinguées.’

Sans doute, vous vous demandez si j’ai reçu une réponse. Vous dire que je ne l’attendais pas étant donnée la correspondance plus importante qu’il doit recevoir encore. Non, il n’y eut pas de réponse à mon courriel. Pour moi, l’essentiel était de lui proposer une amitié, celle de François d’Assise.

Et si cela était pour nous aussi?

Denis Veilleux

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