L’heureuse confusion de Babel
Étrange comme introduction, n’est-ce-pas? Au Livre de la Genèse au chapitre 11, il est question d’abord de la Mésopotamie et des humains qui s’installent dans cette plaine. Le texte dévoile que toute l’Humanité n’a qu’une seule langue et que tous se comprennent. On devrait y voir un plus pour l’unité du monde. Que se passe-t-il? Les humains décident de s’installer, de bâtir ce qu’ils appellent une ville, et de construire une tour comme une flèche qui défie le ciel. En termes clairs, les textes évoquent ‘briques et bitume’ pour les travaux. Or, qui décide quoi? Les en-dessous par les au-dessus. Ce n’est pas dit, mais tout y est. Parler la même langue est perçu par Dieu comme un immense danger. Le texte dit : « Ils décideront de faire tout ce qu’ils veulent » et surtout ils le disent si bien : « nous nous ferons un nom », qui se traduit par nous possèderons tout et nous en aurons le contrôle!
Vite, Dieu descend et intervient. Il brouille leur langage afin qu’ils ne se comprennent plus! On croirait au malheur. Pas du tout! La Sagesse de Dieu met un frein et une limite à leurs ambitions, les disperse sur la terre avec leurs dialectes ou leurs différentes langues. La langue maternelle deviendra une frontière ou une balise pour ne pas se faire un nom afin de tout contrôler. La langue, c’est la culture, et de la culture émergent les traditions, les coutumes, les costumes, les valeurs, les religions, les civilisations, les chants, les dessins, les différences. On aura donc besoin des uns et des autres, ce qui est bien différent d’être tous pareils. Il faudra des interprètes, des diplomates, des échanges, des partages, du respect. Chacun voudra être reconnu pour sa valeur qui lui sera donnée. C’est un don que la multiplications des langues : le don de la rencontre des autres qui portent un nom différent et qui appelle au respect.
Nous voyons bien aujourd’hui les tenants de la tour de Babel. Ils veulent prendre la planète, lui donner un nom et tout contrôler. Prendre les noms de l’Histoire et les gommer pour mettre le leur. Nous voyons tout cela se dérouler sous nos yeux. « Vanité des vanités, tout est vanité! » dit l’Écriture.
La langue des autres est un pont d’amitié qui relie les rives de l’Humanité. C’est cela la Sagesse de Dieu. Comprendre l’Histoire, les traditions, les valeurs, les coutumes en les respectant. Faire connaître aussi ce que nous sommes peut enrichir l’autre et les autres.
Lors de la Pentecôte, souvent appelée ‘l’envers de Babel’, on entend les Apôtres qui parlent. Or, ceux qui écoutent, entendent dans leur langue maternelle. Le miracle est dans l’oreille de ceux qui écoutent car les Apôtres eux ont parlé leur langue maternelle. C’est l’Esprit-Saint qui a permis d’entendre dans sa langue maternelle l’Annonce du Messie Jésus, mort et ressuscité.
Tout cela s’est passé dans une ville du monde, la ville de Jérusalem, avec sa langue, ses briques et son bitume.
Lire la Genèse est une révélation miroir de notre monde. Une mise en relief de la Sagesse de Dieu dans le jardin planétaire.
Denis Veilleux