Les généreuses apparences

Depuis bien des lustres nous entendons ces phrases : ‘ne vous fiez pas aux apparences’ et cette autre : ‘les apparences sont trompeuses.’ Pourtant, le premier regard voit. Elles sont trompeuses les apparences dans les deux sens. Nous pouvons nous méprendre et nous entendons intérieurement : ce n’est pas ce que j’avais pensé. Ici, il y a un redressement de la perception. Or, ce premier regard indique également une perception qui peut être juste. Elle éveille notre vigilance d’un cran. Les fables de Lafontaine regorgent de ces situations où nous découvrons comment les apparences et la séduction ont de ces revers dangereux. On peut être dévoré d’un coup de mâchoires!

Dans l’évangile de saint Marc, il y a un épisode fort intéressant où Jésus, dans l’enceinte du Temple est assis et regarde les gens déposer dans le tronc du Trésor leurs aumônes. Il regarde nous dit le texte. Que voit-il? Des gens riches, probablement bien vêtus, de belles apparences, mettre de grosses sommes. Puis, s’avance une pauvre veuve qui dépose deux petites pièces.

Ensuite le texte nous dit que Jésus fait venir près de lui ses disciples qui sans doute ont été témoins. Que leur dit-il? Au-delà des apparences, déchiffrons ce que nous avons vus. Beaucoup de riches ont beaucoup donné, mais c’était leur superflu. Ils ne sont pas moins riches en faisant sonner le tronc du trésor. Or cette veuve qui a mis deux petites pièces a donné tout ce qu’elle avait pour vivre. Le peu qu’elle a donné c’est tout ce qu’elle avait. Elle est repartie encore plus pauvre.

Les riches ont donné leur superflu et Dieu le voit; la pauvre veuve, ce qui lui restait et Dieu le voit. Cette dernière a offert sa vie, son aujourd’hui, sa pauvreté et son amour pour Dieu. Les autres riches ont gardé leur vie pour eux, n’ont rien donné de leur aujourd’hui, et ont peut-être acheté Dieu pour leur bien-être. Qui sait? De retour chez eux, ils retrouvent leurs univers qu’ils n’ont pas laissé. Quant à la femme veuve nous savons très bien sa situation décrite par Jésus. Elle rentre les mains vides avec Dieu, là où elle vit. Aujourd’hui et demain toute sa vie est entre les mains de Dieu.

Jésus s’arrête là et laisse ses disciples réfléchir à son enseignement non virtuel. Il les met sur une piste réelle. Les apparences parlent, à nous de les décoder.

Denis Veilleux