Les Carêmes de Marie (5)
Les multiples déplacements de Jésus sont indicateurs des dangers qui le guettent. Il reste ici et ne va pas là-bas; Il sait que les pièges le guettent. Jésus est prudent, il n’a pas peur. Quand vient l’heure de parler et de dire aux Apôtres ce qui l’attend, Il les informe souvent. Trois fois dans les évangiles il leur dit : « Voici que nous montons à Jérusalem, où le Fils de l’homme sera livré aux mains des pécheurs! ». Les Apôtres comprennent tout au moins que dans ‘nous montons’ il s’agit aussi d’eux, mais ils restent sourds à ces paroles au point où ils ne posent plus de questions devant cette détermination du Maître à se rendre à Jérusalem.
Ce sera la Pâque à Jérusalem où tant de gens monteront pour la célébrer. Marie a quitté Nazareth avec les gens de son village pour monter elle aussi à Jérusalem. Le Carême de Marie est encore d’entendre tout ce qui se dit de son fils et toutes ces interprétations des paroles soumises au tamis de ceux qui leur font dire ce qu’ils veulent. Le Carême de Marie est lié aux Paroles du vieillard Syméon qui semblent de plus en plus s’accomplir. Son cœur se serre et lui reviennent ces paroles : « Et toi, un glaive transpercera ton cœur! ». Ce glaive demeure son fils qui sera rejeté par les chefs et responsables religieux de Jérusalem. Ce glaive est la Via Dolorosa, le chemin qui mène au Golgotha, celui du Fils de l’homme venu rassembler dans l’Unité les enfants de Dieu dispersés. Cette dispersion, Marie la ressent dans son être comme un éclatement dont la finale est la mise en croix de Jésus.
Le Carême de Marie à cet endroit est pénible. Or, elle se tient debout comme Jésus debout crucifié sur la croix. Le transpercement ultime est composé des ricanements, du corps meurtri de son enfant, de sa mort, et enfin de la lance qui ouvre le cœur de Jésus pour y laisser sortir le sang et l’eau. L’heure des ténèbres laisse place à celle de l’espérance. Le Carême de Marie est d’entendre Jésus lui dire : « Mère, voici ton fils! » et au disciple qu’il aimait : « Voici ta Mère! ». Perdre son unique enfant, dont le Mystère est plus grand que tout, et recevoir cette maternité nouvelle dont les fruits annoncent la communauté de celles et ceux qui se réunissent en son Nom.
Le sommeil a disparu à Jérusalem pour faire naitre l’éveil, le réveil, une mise en place debout près de la croix debout, et du crucifié descendu pour être déposé dans un tombeau. Le cœur transpercé par le Glaive entre dans le tombeau du fils. Marie est en attente du feu qui brûle sans se consumer.
Denis Veilleux