Laisser passer devant le passé
Dans la tradition juive le passé est devant. Ce me fut enseigné lorsque j’étais étudiant à Jérusalem; je n’ai jamais oublié cette phrase. Elle est si vraie que dans toute la tradition des Écritures nous contemplons devant nous la Genèse, l’Exode, l’Exil, les Prophètes, les Psaumes. L’Écriture est la Parole du Vivant et le Vivant est Dieu qui nous parle. Nous parle-t-Il en face, derrière, tout autour, au-dedans, au dehors? Peu importe, sa Parole est à chaque pas à entendre dans nos vies.
Et si on avait sous les yeux la cinémathèque, ne serait-ce que de la dernière guerre mondiale, celle de 39-45, oserait-on comprendre celles d’aujourd’hui? Que nous dit ce passé devant nous sinon que l’horreur ne devrait pas être celui d’aujourd’hui.
Je me souviens très bien d’une des dernières apparitions de Jean-Paul II à la fenêtre devant des milliers de personnes sur la Place St-Pierre. Il répétait en substance ceci particulièrement à la jeunesse : ‘ Ne faites pas ce qui s’est produit lors de cette guerre que j’ai vécue. Je vous en supplie, ne reproduisez pas ces atrocités. Soyez éveillez à cette possibilité que reviennent ces folies meurtrières.’ Il disait cela en 2005, l’année de son décès. C’était sans doute la hantise du prophète qui voyait déjà devant lui se profiler le passé qui allait encore servir les desseins destructeurs de l’Humanité. Qui se souvient de cela? Qui se rappelle de ces événements? Nous sommes englués dans ces guerres qui reproduisent le passé dans ce qu’il a de pire.
Le passé devrait être comme un professeur. Une professeure qui enseigne tableau au mur en écrivant les dates et les événements du passé afin que nous n’oubliions pas ce que ce monde a fait au risque de le refaire nous-même à nouveau.
Le passé devrait nous instruire.
Le plus bel exemple est celui des disciples d’Emmaüs qui se laissent rejoindre par l’étranger sur leur chemin de peines et de désarroi. Que fait-il et que dit-il si ce n’est de leur mettre devant les yeux ‘tout ce qui concernait le Messie qui devait souffrir tout cela pour entrer dans la Gloire’. À partir de la Torah, des Prophètes et des Psaumes, Il amenait le passé pour le rendre présent et repartir comme des ressuscités du côté de la Vie.
Or, comme il leur a dit ainsi qu’aux Apôtres : ‘ Vous êtes lents à croire, vous doutez, vous éloignez la joie et la lumière de vos vies.’
La Parole de Dieu devant nous devrait susciter la joie et le feu. Notre cœur, un buisson ardent, comme celui de la Première Alliance, vu par Moïse. En ces jours où nous sommes notre cœur est-il comme le buisson ardent? Le feu s’en est-il emparé pour nous conduire aujourd’hui, lumineux du passé qui nous instruit?
« Notre cœur n’était-il pas brûlant lorsqu’Il nous parlait sur le chemin ? »
Denis Veilleux