La trahison des traductions
Ce que l’on appelle communément Les Béatitudes dans les évangiles et que nous reconnaissons par le premier mot ‘Heureux’ est une traduction d’un terme sémitique qui appelle à une action. ‘Heureux’ est un état d’être. Ce terme d’action a été traduit par une expression dynamique : ‘En marche…’ Le tracé d’un chemin qui conduit à regarder Dieu tout en marchant et en montant. Je pourrais le traduire par ‘ avance, continue, ne lâche pas, sois patient, ne t’arrête pas’. De cette manière, nous nous éloignons d’une conception à la limite du ‘magique’ que Dieu donnerait sur le champ aux pauvres de cœur, aux éplorés, aux pacifistes, aux défenseurs de la justice, et même aux persécutés à cause de son Nom.
Il y a un contrechoc à entendre ‘Heureux’ et toutes ces réalités difficiles. Le texte nous dit que Jésus gravit la montagne. C’est déjà une action, une marche vers une direction. Il ne la descend pas, il monte. Ensuite, ceux qui veulent entendre sa parole font la même chose puisqu’ils le suivent. Donc, ils marchent tous vers un endroit en hauteur. Puis, il est écrit que Jésus s’assit et qu’il enseigne. Les auditeurs font la même chose, ils s’assoient et écoute l’enseignement.
Ces paroles peuvent-elles être dynamisantes, en ce sens que nous les entendons comme des appels de Dieu à avancer et à continuer notre vie, qui hors de tout doute, impliquera des difficultés, des peines, des combats, des défaites. En ce cas, En marche serait un appel du Père à suivre son Fils Jésus. Non seulement un appel, mais une halte à prendre, chaque fois que se présente une de ces difficultés. ‘Assieds-toi, prends le temps, dépose-toi’. Cette halte est une force, une sorte de repos pour la suite. Et lorsqu’on a pris ce temps de la halte, nous avançons fortifiés, et surgit au fond du cœur et de l’âme la joie retrouvée. De force en joie, et de joie en force, au cœur des combats et des conflits et même de la répression.
La montagne de ceux et celles qui marchent est un appel du Père qui nous attire à Lui, et nous attend au détour des haltes pour nous donner la force de son Fils dans le creuset des paroles qu’Il nous donne et qui appellent au dépassement.
Un jour, on raconte que Mère Teresa visitant un pays pauvre, a prononcé les Béatitudes, cette série des ‘Heureux’ devant des gens pauvres. Ils n’ont pas apprécié. Associer ce terme ‘heureux’ à leur condition de misères ne passait pas. Cette traduction a pu inspirer ceux qui ont qualifié la religion ‘d’opium du peuple’. Si nous employons ce terme, il serait bon d’en expliquer le véritable sens : En avant, marche!
Denis Veilleux