Disciple et mentor, dangereux langage
Je me trouvais dans la sacristie d’une église avant une célébration eucharistique. Des prêtres causaient. C’est alors que je demandai à celui qui était près de moi : ‘ vous allez bien?’ Il me répondit avec un air fatigué : ‘plus ou moins!’. De fait, on m’avait informé qu’il avait vécu un événement difficile. Il avait été déçu d’un rêve emballant où il s’était proposé à se rendre dans un milieu paroissial pour servir. Or, cet ancien missionnaire qui avait brillé ailleurs, entouré de gens du matin au soir, se retrouva, à l’exception des célébrations du samedi et du dimanche où les gens se présentaient mais repartaient tous – donc il se retrouva en semaine, du lundi au vendredi, devant le miroir défigurant de son rêve : plongé dans la solitude, dans un véritable désert. Personne ne venait pour le rencontrer ou échanger avec lui. Ce fut un échec.
Comme j’étais toujours près de lui, il désigna celui qui allait présider la célébration eucharistique en me disant fièrement : ‘ C’est mon disciple!’. Je restai muet. On le fit venir pour qu’il soit aux côtés de son disciple qui au début de la célébration le présenta comme ‘son mentor’. Un langage que je ne pouvais apprécier. Je comprends le respect des affinités et certes dans l’Église comme dans le monde, de témoins plus âgés, inspirants, appréciant de leur part le soutien et les conseils reçus.
Or, où est le Maitre véritable dans cette relation? Jésus dit : « Vous n’avez qu’un seul Maître », et Il invite à ne pas nous placer entre Lui et l’autre, pas d’entre-nous. Il demeure le Maître sinon nous perdons la liberté de la véritable identité, une saine différence. Je me souviens d’une communauté où un prêtre tellement identifié au mentor, parlait de façon identique comme celui-ci. Troublant.
Personne ne devrait considérer l’autre comme ‘un disciple ou un mentor’, mais comme un frère que le Maitre, le Seigneur, aura permis de rencontrer. Le Maitre présente le frère ainé au frère plus jeune. Elle est là la véritable grâce; un don pour Dieu et non pour nous ou entre nous. De cette manière nous évitons que l’autre soit cloné ou perde son identité profonde au risque de devoir se reconstruire péniblement dans une véritable liberté.
Ne soyons pas comme le monde à nous engendrer les uns les autres. Nous n’avons qu’un seul Maître et nous sommes son unique disciple avec nos frères et sœurs de tous les âges.
Dans cette expérience vécue, le mentor venait de perdre son rêve d’être entouré. Il ne brillait plus. Quant au disciple, il apprendra sans doute à choisir le chemin du Seigneur comme on le lui indiquera, découvrant que le véritable Maitre n’est pas le mentor.
« Vous n’avez qu’un seul Maître, c’est le Christ. »
Denis Veilleux