Amédée, Francesco et l’appel au désert
J’entrai dans la salle et je vis Francesco devant le grand écran à zapper les chaines pour trouver une émission à son goût. Je suis à vous raconter ce dernier épisode de ma rencontre à Paris des deux cousins dans une maison religieuse.
Je n’ai pas revu Amédée. Je m’informai auprès de Francesco comment s’était passé son examen. Ce dernier me répondit que la nervosité d’Amédée avait été une difficulté mais qu’il devrait poursuivre et reprendre son examen. Il était revenu à Paris avec son épouse et l’ainé de ses trois enfants. De quoi rassurer l’époux et le père.
Lors de cet échange, Francesco m’apprit son projet de prendre une année pour aller vivre au désert, là où le Frère Charles de Foucauld avait vécu à l’Assekrem, au sud de l’Algérie. Il en avait reçu la permission. Je lui dis qu’il verrait des ciels extraordinaires dans le désert. Je ne connais pas ces ciels de l’Assekrem mais ceux du Sinaï. Ce sont les plus beaux ciels que j’ai vu dans ma vie. Trois fois je suis monté au Sinaï.
Francesco était heureux de cette perspective et avait commencé à apprendre la langue arabe tout en attendant le Visa pour partir. Ces missionnaires sont courageux et les langues sont des ponts pour traverser non seulement les pays, les cultures, les religions, mais aussi le désert de Dieu où le silence prédomine. Dieu ne parle pas, Il connaît toutes les langues du monde.
Je continue de penser aux deux cousins avec leurs horizons si différents. J’ignore si Amédée est devenu électricien, moi qui l’avait vu et entendu raconter l’histoire de ses poules avec tant de brio, tel un artiste. Or, je guette aussi en mon cœur le projet de Francesco en pensant que le courage de vivre au désert serait plus grand et périlleux que d’apprendre la langue arabe. Le désert, écrivait Charles de Foucauld, est un lieu de dépouillement. Deux souffles vont atteindre Francesco, celui de Dieu qui déjà le pousse et celui du Diable qui déjà le repousse. Ce sera un combat, une lutte, car le silence est bavard et avant qu’on n’y entre pour de vrai le Diviseur fera son cinéma. Il y aura une victoire. Francesco est un lutteur-né. Il en a la carrure mais sa vulnérabilité sera plus grande que sa force. Il tombera dans les mains de Dieu, dépouillé de ses attraits, de son vouloir et de tout ce qu’il avait pensé penser.
Bon voyage les cousins Amédée et Francesco,
Denis Veilleux