Amédée et son café

Je venais de terminer la récitation du chapelet, dehors, dans la vaste cour de la maison religieuse où j’habite à Paris. Je reprends le récit commencé la semaine dernière alors que j’évoquais ma rencontre des deux cousins Amédée et Francesco.

Je mis mon chapelet dans la poche de mon manteau et vis s’avancer sur le parvis Amédée tenant une tasse de café. Il avait caressé un temps le chat de tous les passants. Je le saluai : Bonjour Amédée! Il me répondit avec un sourire se rappelant notre brève rencontre la veille. Il sirotait son café. Je lui demandai s’il allait partir pour Caen en vue de son examen pour avoir ses papier comme électricien. Et puis j’enchaînai sur sa famille. C’est là qu’il me dit : ‘ Ah! j’ai rêvé que ma femme attendait un quatrième enfant!’ Il semblait étonné. Je répondis : ‘tu l’apprendras peut-être.’ Il sourit.

Comme nous rentrions tous les deux dans la maison, nous nous sommes dirigés vers une salle où nous pouvons parfois regarder la télévision ou lire les journaux. Il n’y avait personne. C’est là qu’il me parla avec affection de sa famille et surtout de l’endroit au sud où il vivait. C’était près de la mer. On sentait la liberté dans sa voix qui se rétrécissait en plein Paris. Venir du bord de la mer et se retrouver dans cette mégapole avait quelque chose d’étouffant. Il me raconta qu’il avait un jardin et qu’il y avait mis des poules. Je compris que le jardin était une cour. Les poules étaient libres. Je lui racontai que j’aimais les poules, étant né dans une ferme et qu’enfant j’allais chercher les œufs dans le poulailler. Nous étions sur la même longueur d’ondes jusqu’au moment où il me raconta que toutes ses poules étaient mortes et que la dernière avait été croquée par un chien qui s’était aventuré dans la cour. La dame propriétaire du chien avait été témoin et semblait réfuté que ce soit son animal qui ait fait ce délit.

Cette histoire, Amédée me la racontait debout, en faisant tous les gestes. Il avait l’art de raconter, de décrire, d’accorder aux mots les gestes éloquents. J’étais devant un artiste! Je me disais en moi-même : ‘mais comment songe-t-il à devenir électricien avec ce talent de raconter avec tant de brio?’ Lorsque la dame propriétaire du chien voulut s’en laver les mains, il s’insurgea et lui fit avouer que son chien était bel et bien l’auteur du drame ultime de sa dernière poule. C’était sa poule! Elle finit par s’excuser. C’est là qu’il dit avec intensité qu’on ne pouvait mentir.

Je ne cessai de penser à son examen en électricité après avoir vu le talent de cet homme qui m’apprit qu’il n’avait que 38 ans. À quoi je répondis : ‘je pensais que tu avais la mi-trentaine.’ Il me répondit : ‘merci, j’ai peur de vieillir!’

Le lendemain, son cousin Francesco vint me demander au réfectoire : Denis, Amédée demande quel est ton nom de famille? Je lui dis : Veilleux, comme dans ‘veilleur’. Il me sourit et me remercia.

J’avais demandé la veille : quel est ton prénom? Il m’avait répondu : Amédée. Là, il demandait quel était mon nom. Il a dû dire à Francesco : ‘demande à Denis quel est son nom?’

À suivre…

Denis Veilleux

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